<1r>

Le Chevalier Isaac Newton naquit le jour de Noël dans l'année 1642. Vieux Style à Woolstrope, paroisse de Colsterworth dans la Province de Lincoln prés de trois mois aprés la mort de son pere, qui estoit descendu de la branche aînée de la famille du Sieur Iean Newton de la Province de Lincoln Chevalier Baronet, & qui estoit Seigneur Foncier dudit Woolstrope; et il paroit par des Instrumens autentiques que cette Seigneurie a esté prés de 200 ans dans sa famille, la quelle s'y estoit transportée de Westley dans la même Province, mais originaire de Newton dans la Province de Lancaster, d'où elle tient apparemment son Nom. Il etoit aussi homme noble du cote de sa mere qui se nommoit Hannah Ascough et etoit d'une famille ancienne & honnorable de la Province de Lincoln. Elle épousa en secondes noces le Sieur Benjamin Smith, Curé de la Paroisse de North-Witham qui avoit des biens considerables en terres outre le revenu de son benefice elle eut de lui un fils & 2 filles desquels sont <1v> descendus les quatre Neveus & quatre Nieces qui heritent les Biens meubles du Sieur Newton.

À l'age de 12 ans il fut mis à la grande Ecole de Grantham, que tenoit alors le Sieur Stokes qui passoit pour un trés habile Regent; où il parut avoir des dispositions trés fortes pour la Mechanique, & donna de bonne heure des marques d'un rare genie. Aprés y avoir resté quelques années, sa mere le retira chez elle, dans le dessein qu'il s'appliquât au soin de son propre patrimoine, mais son genie ne pût se soumettre à un tel employ, & le grand penchant qu'il montroit pour la Lecture et l'etude & son inattention à toute autre chose porterent sa mere à le r'envoyer à l'Ecole de Grantham, où il resta 9 mois, & de là au College de la Trinité dans l'Université de Cambridge, où il fut admis le 5e Iuin 1660. Il s'informoit toujours par avance des Livres que son Tuteur avoit dessein de lire, & lorqu'il venoit aux Leçons il se trouvoit <2r> qu'il en savoit plus que son Tuteur même. Les premiers Livres qu'il leut dans cette occasion ce furent, la Logique de Sanderson & les Optiques de Kepler.

Le desir qu'il eut de savoir si l'Astrologie Iudiciare avoit rien de reel, fut le premier motif qui le porta à étudier les Mathematiques. Il découvrit la vanité de cette étude aussi tôt qu'il eût formé une figure, pour lequel effet il s'estoit servi de 2 ou 3 Problemes d'Euclide, auxquels il sautoit tout d'un coup par le moyen d'un Indice, car il ne lisoit pas alors le reste de ce Livre qui ne luy semblait contenir que des choses aisées & ordinaires. Il entreprit sans détour la Lecture de la Geometrie de Descartes et en vint à bout par la force de son genie & de son application sans passer par les degrés accoûtumes & sans le secours d'aucune autre personne. En 1664 il acheta un Prisme pour faire quelques êpreuves sur la Doctrine de Descartes touchant les Couleurs, & il descouvrit bien tôt et <2v> {sa} propre Theorie, & l'erreur de l'Hypothese de Descartes. Ce fut environ ce tems-là qu'il commença à concevoir sa methode des Fluxions et en 1665 lorsqu'il s'estoit retiré à sa terre à cause de la Peste, il pensa pour la premiere fois à son systeme de Gravité, & ce fut la remarque qu'il fit de la chute d'une pomme de dessus un arbre qui luy en fournit la premiere idée.

Il posa les fondemens de toutes ses découvertes avant qu'il eût 24 ans, et il en communiqua la plus part dans des dissertations détachées & des Lettres à la Societé Royale, dont on voit un ample détail dans le Commercium Epistolicum. À propos de ce sujet, vous me permettrez, Monsieur, de vous faire remarquer que puisqu'il a paru de nouvelles lumieres à l'egard de cette Dispute, on attend de vostre candeur & justice que vous voudrez bien en quelque façon revoquer plusieurs passages de vos ouvrages qui furent imprimés avant que l'on eût fait ces découvertes. Vous dites, Monsieur, dans vostre eloge du Marquis de l'Hopital — <3r> "Le calcul differentiel invente par Monsieur Leibniz et en même tems par Monsieur Newton." Ie suis persuadé que vous etes convaincu (ansi que je suis bien informé que les Allemands le sont a present) non seulement que Monsieur Newton avoit inventé sa Methode des Fluxions plusieurs années avant que Monsieur Leibnitz en eût la moindre connoissance, mais que Monsieur Leibnitz l'a prise de luy. Quand l'enchaînement des circonstances et les preuves êclatantes qui ont esté estalées aux yeux du public ne suffiroiënt pas, la façon dont le Sieur Leibnitz s'est défendu pourroit convaincre tout le monde de la verité de ce que j'ay avancé. Monsieur Leibnitz a vêcu plusieurs années aprés que le Commercium Epistolicum a esté imprimé, & au lieu de répondre au fait, il a eu recours à une petite chicane & à des Problemes philosophiques qui n'estoient rien à la question, & n'a jamais offert une seule preuve en sa propre justification. <3v> Le Commercium Epistolicum qui fut promis par luy-même lorsqu'il vivoit, & par ses Amis aprés sa mort n'a point encore paru, ni, à ce que je crois, ne paroîtra jamais. I'ay veu une Lettre où Monsieur Bernoulli nie absolument & dans les termes les plus forts qu'il fût l'Auteur de la Charta volans |  Feuille volante que Monsieur Leibnitz luy avoit attribuée autre raison qui fait soupçonner qu'il a esté luy-même l'Auteur de ce Libelle, & que sa cause estoit assez mauvaise pour le porter à des ressources & des ruses indignes d'un si grand homme. Dans vostre Eloge de Monsieur Leibnitz vous dites, Monsieur, que — Ce que &c.

Ie sais bien que vous aves tirè ce passage de Monsieur le Marquis de l'Hopital les Mathematiciens d'ici soutiennent le contraire mais laissant cela a part Comme ce passage laisse croire, au moins à des Lecteurs précipités, que Monsieur Leibnitz fut le premier Inventeur de la methode et qu'il en fit meilleur usage que Monsieur Newton, je me flatte que vous rendrez à Monsieur Newton la justice de dire au Monde que quoique Monsieur Leibnitz ayt prétendu d'estre le premier Inventeur de la Methode des Fluxions, <4r> il n'en a jamais entendu assez pour en faire l'application au Sisteme de l'Univers, le grand & glorieux usage que Monsieur Newton en a fait, et j'en appelle à vostre connoissance, Monsieur, si ce grand homme le Marquis de l'Hopital n'a pas avoüé avant que de mourir, qu'il estoit convaincu de cecy.

Ie ne dois pas oublier de vous dire, que Monsieur Newton receut le fameux Probleme, qui avoit esté formé à dessein d'embarrasser tous les Mathematiciens de l'Europe, à 4 heures du soir lorsqu'il estoit fort fatigué des affaires de la Monnoye qui l'avoient occupé toute la journée, nonobstant quoi il en fit la solution cette même nuit-là avant que de se coucher.

Vous connoissez si bien, Monsieur, les Livres que Monsieur Newton a publiés, qu'il n'est pas besoin que je vous dise rien <4v> sur ce sujet.

En 1667 il fut eleu Collegue au College de la Trinité à Cambridge, & en 1669 le Docteur Barrow se demit en sa faveur de la charge de Professeur en Mathematiques. En 1671 il fut choisi Membre de la Societé Royale. En 1675 il eut dispense du Roy Charles 2d pour continuer à estre Collegue sans prendre les Ordres de l'Eglize. En 1687 il fut nommé un des Délégués representans l'Université de Cambridge par devant la Cour nommée de Haute Commission, pour rendre compte de ce qu'ils avoient refusé de recevoir Maître és Arts le Pere François, sur le Mandement du Roy sans qu'il préstât les Sermens exigés par les Statuts de l'Université; & il contribua beaucoup à persuader ses Collegues à persister dans le maintien de leurs droits & privileges

En 1688 il fut eleu par l'université de Cambridge pour estre leur <5r> Membre representant dans le Parlement de Convention, et il y tint séance jusques à ce qu'il fût dissous.

En 1696. le feu Comte de Halifax, ce grand Patron des Sçavans, estant alors Chancellier de l'Échiquier, luy êcrivit une Lettre à Cambridge pour luy marquer qu'il avoit obtenu du Roy de le creer Garde des Monnoyes, et c'est dans cette Charge qu'il rendit des Services signalés à l'occasion de la grande refonte des Monnoyes qui fut faite dans ce tems-là.

En 1699 il fut crée Maître Ouvrier de la Monnoye, charge qu'il a possedée jusques à sa mort, dont il s'est acquité avec un caractere universel d'integrité & de desinteressement, & où il a eu souvent occasion de déployer ce qu'il possedoit de Mathematiques & de Chimie, ce qu'il a fait particulierement dans sa Table des Essays des Monnoyes estrangeres qui est imprimée à la fin <5v> du Livre des Monnoyes publié par le Docteur Arbuthnott.

En 1701. il nomma le Sieur Whiston pour estre son Deputé dans la Charge de Professeur des Mathematiques à Cambridge et luy ceda le salaire entier depuis ce tems-là, quoiqu'il ne se demît absolument de cette Charge que dans l'année 1703. À la convocation d'un nouveau Parlement en 1701 il fut rechoisi membre de cette Assemblée pour Cambridge.

En 1703. il fut eleu President de la Societé Royale, qu'il continua d'estre plus de 23 ans c'est à dire jusques à sa mort, premier example d'un President qui ait duré si long tems et qui ait etè continuè jusqu'a sa mort sans interruption.

En 1705 il fut fait Chevalier par la Reine Anne à Cambridge.

Lorsqu'il estoit dans l'Université il passoit la plus grande partie de son tems dans son Cabinet, et toutes les fois qu'il se trouvoit fatigué par les plus <6r> severes estudes de Philosophie, le seul moyen qu'il cherchoit à se délasser et à s'amuser c'estoit dans quelque autre estude, comme dans l'Histoire, la Chronologie, la Theologie & la Chimie, toutes lesquelles il examinoit & recherchoit à fonds, et c'est ce que l'on voit par la quantité de Papiers qu'il a laissés sur ces matieres. Lorsqu'il fut establi à Londres, tout le tems qu'il avoit de reste aprés ses Affaires & les civilites du monde, à l'egard desquelles il estoit trés exact et complaisant , estoit occupé de la même maniere, et il estoit trés rarement seul sans un Plume ou un Livre à la Main, et dans toutes les Etudes qu'il entreprennoit, il s'y attachoit avec une perseverance & une patience egale à sa sagacité & à son invention le livre qu'il portoit avec lui qui etoit ordinairement sur sa table N. c'etoit une vieille bible angloise. Vous savez déja, Monsieur, comment l'Extrait de Chronologie vint à <6v> estre imprimé en France, & ce qui s'est passé à cet êgard, ce qui l'avoit determiné à imprimer aussi secretement qu'il eût été possible l'ouvrage même dont cet Extrait avoit esté tiré, & à en garder les Exemplaires entre ses propres Mains. Cet ouvrage est actuellement sous la presse, et j'espere qu'il paroîtra au jour avant le 12 de Novembre Ie me donnerai l'honneur de vous en faire tenir un Livre aussi tôt qu'il sera imprimé.

<7r> [1]

Comme j'avois apprehendé que la maniere dont le Reverend Pere Souciet avoit attaqué l'Extrait de Chronologie, ne fût plus sensible à Monsieur Newton que les argumens mêmes, je fis en sorte qu'il eût un Extrait de tout ce qu'il y avoit d'objections reelles, dépouillé des ornemens extraordinaires dont elles estoient revêtuës, & j'eus le plaisir de voir qu'elles n'eurent d'autre effet que celuy de convaincre Monsieur Newton de l'ignorance de l'Auteur. Il leut aprés cela tout le Livre du Reverend Pere sans changer d'opinion, & le Docteur Halley vient de presenter en dernier lieu à la Societé Royale une petite Dissertation en réponse à ce que ce Livre contient d'Astronomique, sans avoir jamais veu les preuves & les autorités dont Monsieur Newton s'est servi dans son plus grand ouvrage.

Monsieur Newton a vêcu à Londres depuis l'année 1696 lorsqu'il fut crée Garde <7v> des Monnoyes, sans qu'aucune personne ayt jamais vêcu avec luy que ma femme qui a demeuré auprés de luy environ 20 années avant & depuis que je l'ay êpousée. Il vivoit toujours d'une maniere honnête & genereuse, mais sans ostentation ni vanité, toujours hospitalier, et dans les occasions donnant de magnifiques regales. Genereux & charitable sans bornes, il avoit coûtume de dire que ceux qui ne donnoient qu'en mourant, ne donnoient jamais, & c'est peut estre une raison pourquoy il n'a point fait de Testament. Ie ne crois pas que jamais homme de sa condition ait fait plus de largesses dans sa vie, soit en aumônes, soit pour encourager les Talents & le savoir, ou à ses parents, ni ait montré en toutes occasions un plus grand mépris de son propre bien, ou une frugalité plus scrupuleuse pour celuy du public ou d'aucune societé qui luy en avoit confié. <8r> Il a refusé des Pensions & des Employs qu'on luy avoit offerts de plus, et a esté extremement honnoré & respecté dans tous les Regnes & dans tous les Ministeres, par ceux mêmes avec qui il differoit de Sentiment politique, car dans quelque condition qu'il fût il a toujours montré un attachement immuable pour la cause de la Liberté & pour nostre heureux Gouvernement d'à present.

Le Roy & la Reine regnans luy ont toujours donné des marques particulieres de leur faveur & estime, & luy ont souvent fait l'honneur de l'entretenir plusieurs heures de suite. La Reine, qui se plait tant à entendre des argumens touchant des Matieres de Philosophie & de [2] Theologie, demandoit souuent a le voir & temoignoit toujours de prendre beaucoup de plaisir à son entretien. Elle eut la bonté de prendre part dans les disputes où il fut engagé pendant sa vie, & elle a montré de grands êgards pour tout <8v> ce qui a pû interesser l'honneur & la memoire de Monsieur Newton depuis sa mort. Ie ne dois pas oublier de vous dire que j'ay souvent eu l'honneur d'entendre dire à la Reine en presence de tout le Cortege[3] qu'elle conservoit l'Extrait de la Chronologie que Monsieur Newton luy avoit donné êcrit de sa propre main, parmi ses Tresors les plus cheris, & qu'elle se croioit fort heureuse d'avoir vêcu dans le même tems, & d'avoir connu un si grand homme. Ie vous

<9r>

Ie vous conjure, Monsieur, de vouloir bien inserer cecy dans l'Éloge, parceque je suis persuadé que vous ne sauriez rien dire qui puisse luy faire plus d'honneur que cette louange de la part d'une Reine qui est la Minerve de son Siecle.

* < insertion from f 8v > Monsieur Newton etoit fort honoré parmi les etrangers dont plusieurs vinrent en Angleterre exprès pour le voir

< text from f 9r resumes >

Nonobstant les honneurs extraordinaires qu'on luy rendoit, il avoit une opinion si humble de luy-même, qu'il ne goútoit point l'applaudissement qu'on luy payoit si justement, & tant s'en falloit il qu'il fût vain ou qu'il souhaitât tirer gloire d'aucun de ses ouvrages, que l'on sait fort bien qu'il auroit laisser remporter à d'autres la gloire de ces inventions qui ont fait tant d'honneur à la nature humaine, si ses Amis & Compatriotes n'avoient esté plus jaloux que luy-même de sa gloire & de la leur propre.

Il estoit extremement complaisant & affable jusques aux personnes les plus basses, et ne méprisa jamais qui que ce fût pour faute de capacité, mais il <9v> exprimoit toujours librement son ressentiment contre le Vice & l'impieté. Non seulement il montra un grand & constant respect pour la Religion en general, tant par un cours de vie exemplaire, que dans tous ses êcrits, mais il croioit fermement la Religion revelée, comme il paroit par la quantité de papiers qu'il a laissés sur ce sujet – Il frequentoit l'eglise Anglicane Mais l'idée qu'il avoit de la Religion Chrétienne n'estoit pas fondée sur une base si peu étenduë, ni sa Charité & sa Morale n'estoient pas si êtroites que de montrer de la froideur envers ceux qui pensoient autrement que luy par rapport à des matieres indifferentes, et encore beaucoup moins estoit il porté pour la persecution qu'il regardoit toujours avec la plus grande horreur & detestation.

Il avoit un temperament si doux & si tendre qu'un conte tragique luy faisoit souvent tomber des Larmes, & toute action de cruauté envers hommes ou bêtes le choquoit extrémément, la <10r> compassion pour les uns & les autres estant le sujet sur lequel il aimoit à s'estendre.

Une modestie & simplicité naturelle se montroit dans toutes ses actions & expressions: toute sa vie a esté une suite continuelle, de travail, patience, charité, generosité, temperance, pieté, bonté, & de toutes autres vertus sans mêlange d'aucune sorte de vice.

Il ne s'est jamais marié. Il estoit fort temperé à l'egard de la nourriture, mais n'observoit jamais de Regime. Il fut benni d'une complexion trés heureuse & robuste. Il avoit la taille mediocre avec un peu d'embonpoint dans ses dernieres années, l'oeil fort vif & perceant, & l'aspect gracieux & revenant, une belle Cheveleure blanche comme l'Argent même sans aucune chauveté, et lorsqu'il quitoit sa perruque, sa mine estoit <10v> tout a fait venerable. Il conserva jusques à sa dernière maladie la fraicheur & le tein d'un jeune homme, ne se servit jamais de Lunettes, et ne perdit qu'une seule dent pendant toute sa vie.

Environ cinq années avant sa mort il fut incommodé d'une incontinence d'urine & quelquesfois d'un Stillicidium, dont l'un & l'autre continua plus ou moins selon qu'il usoit d'exercice, surquoi il mit bas son Carrosse, alloit toujours depuis en Chaise, cessa de dîner dehors, ou avec beaucoup de monde au logis, ne mangeoit que peu de chair, se nourrissant principallement de bouïllons, de Legumes, & de fruits dont il mangeoit toujours beaucoup. Dans le Mois d'Août 1724 il poussa dehors sans aucune peine une pierre d'environ la grosseur d'un pois, laquelle sortit en deux morceaux à quelques jours de distance l'un de l'autre.

En Ianvier 17245 il fut <11r> attaqué d'une toux violente & d'une inflammation du Poulmon, sur quoi on le persuada avec bien de la peine à prendre une maison à Kensington (une demi lieue de Londres) où il eut pour la seconde fois un acces de Goute dans sa 83e année, en ayant eu une foible attaque quelques années auparavant: aprés quoi il parut à veuë d'oeil se porter mieux qu'il n'avoit fait plusieurs années auparavant. Il se trouva si bien de l'air de Kensington, qu'il y retint la Maison jusques à ce qu'il mourut.

Dans l'hiver 1725 il souhaita beaucoup de se demettre en ma faveur de sa Charge de Maître des Monnoyes son indisposition le rendant incapable de l'exercer luy-même, & son ancien Deputé estant empêché par l'hydropisie. Comme je savois combien il avoit de répugnance à confier un dépôt si important & si délicat à un <11v> estranger, & combien toute sorte de mouvement corporel luy estoit préjudiciable j'offris d'excercer pour luy toutes les Affaires de sa Charge, et pendant plus d'une année avant qu'il mourût j'avois le bon heur de luy rendre l'esprit si tranquille à cet égard, qu'il n'alloit presque plus à la Monnoye. Mais non obstant cela et quoiqu'il se trouvât si bien du repos & de l'air de Kensington, & qu'il se portât plus mal lorsqu'il en sortoit, quelques peines que l'on se donnât ne pouvoient l'empêcher de venir quelques fois en Ville.

Le Mardi dernier de Fevrier 17267 il vint en Ville pour se trouver a une Assemblée de la Societé Royale. Ie le vis Le lendemain ; je crûs ne l'avoir pas trouvé si bien depuis long tems, & il le sentoit bien luy-même, et me dit d'un air riant qu'il avoit dormi le Dimanche précédant depuis 11 heures du <12r> soir jusques à 8 heures du matin sans s'eveiller. Mais la grande fatigue qu'il avoit euë à se rendre à la Societé, & à faire & recevoir des visites le rejetta avec violence dans son vieux mal. Il retourna à Kensington le Samedi suivant. Aussi tôt que j'appris qu'il estoit mal, j'y conduisis le Docteur Mead & le Sieur Cheselden, lesquels declarerent d'abord qu'il avoit la pierre dans la Vessie, & qu'ils desesperoient qu'il en pût revenir. La pierre avoit apparemment esté esbranlée de l'endroit où elle restoit tranquillement, par le grand mouvement & la fatigue de son dernier voyage à Londres; & dés ce tems-là il eut de violans accés de douleur avec de trés courtes relaches; et quoique les gouttes de sueur luy coulassent du visage avec angoisse, il ne fit dutout ni plainte ni cri, ni ne donna le moindre signe <12v> d'inquietude ou d'impatience; et dans les courts intervalles que la violence du tourment cessoit, il soûrioit & parloit avec son enjouement accoûtumé. Le Mercredi 15e Mars il paroissoit estre mieux, & nous conceumes quelque esperance qu'il en reviendroit, mais c'estoit sans fondement. Le Samedi matin 18. il leut les Gazettes & tint un assez long discours avec le Docteur Mead, possedant parfaitement tous ses sens, mais ce soir même & tout le Dimanche il perdit la connoissance et mourut le Lundi 20e Mars entre une & deux heures du Matin. Au mal accidental de la Pierre prés, il paroissoit avoir Stamina vitæ pour porter ses jours beacoup plus loin; il eut jusques à la fin les sens & les facultés de l'ame fortes, vigoureuses & vives, & il continua d'estudier plusieurs heures par jour jusques au tems de sa derniere Maladie.

Ie joins icy le recit que nôtre <13r> Gazette a donné de son enterrement, Les parents qui heritent ses Biens-meubles sont convenus de dépenser 500 Livres Sterling pour un monument, & le Doien avec le Chapitre de Westminster a permis qu'on construise un Tombeau dans l'endroit le plus distingué de l'Abbaÿe, endroit qu'on avoit souvent refusé à la plus grande Noblesse.

Il a laissé autour de 32000 Livres Sterling de Biens-meubles qui sont partagés entre ses 4 Neveus & 4 Nieces de demi-sang X < insertion from the left margin > X dont on ne s'etonnera pas quand on saura qu'outre sa patrimoine il heritoit de sa mere une fortune considerable en terres et en argent comptant et qu'on considere les emplois qu'il a {eu} et qu'il ne depensoit jamais rien en vanité quoiqu'il recut toujours fort genereusement. < text from f 13r resumes > La Terre qu'il avoit receu de son pere & de sa mere, a passé à son heritier de sang entier le Sieur Iean Newton dont le Bis ayeul estoit Oncle de Monsieur Newton. Un peu de tems avant qu'il mourut il donna un Bien qu'il avoit acheté dans la Province de Berkshire aux fils & à la fille du frere de ma femme, lesquels <13v> n'ont point eu de part aux Biens-meubles à cause que leur Pere estoit mort avant le Sieur Newton. Il donna aussi à ma fille un Bien qu'il avoit acheté à Kensington de la même valeur à peu prés que l'autre.

Extrait de la Gazette de Londres du 4e Avril 1727.

À Whitehall le 4e Avril

.

Le 28e du mois dernier le Corps du Chevalier Isaac Newton fut exposé sur un Lit de parade dans la x[4] Chambre de Ierusalem, & porté de là à l'enterrement dans l'Abbaye de Westminster proche l'entrée dans le Choeur. Le Poile fut soutenu par MyLord Grand Chancellier, les Ducs de Montrose & de Roxburghe, & les Comtes de Pembroke, de Sussex, & de <14r> Macclesfield, Membres de la Societé Royale. Le Sieur Michael Newton, Chevalier de Bath, marcha le premier, [or, en qualité de premier pleureur] et fut suivi de quelques autres Parens, & de plusieurs personnes de distinction qui avoient connu intimement le défunt. Le Service Divin fut fait par l'Evêque de Rochester accompagné des Prebendaires & du Choeur.

Il a plû au Roy de donner sa charge de Maître-Ouvrier des monnoyes, dont il avoit joui plus de 27 Ans, à son Neveu le Sieur Iean Conduitt.

<14v>

Translation of the Memoirs sent Monsieur Fontenelle relating to Sir I. Newton.

[1] The contents of this note are only visible in the diplomatic transcript because they were deleted on the original manuscript

[2] X

[3] X

[4] l'endroit d'ou les gens de la premiere qualité et quelquefois les tetes couronnées memes sont enterrés

© 2024 The Newton Project

Professor Rob Iliffe
Director, AHRC Newton Papers Project

Scott Mandelbrote,
Fellow & Perne librarian, Peterhouse, Cambridge

Faculty of History, George Street, Oxford, OX1 2RL - newtonproject@history.ox.ac.uk

Privacy Statement

  • University of Oxford
  • Arts and Humanities Research Council
  • JISC